2024 pourrait être ma grande année, peut-être même la dernière !…
Je sais, c’est une vision un peu pessimiste des choses et mon ami Philippe D. qui suit mes activités à distance depuis les environs de Strasbourg me rétorque que Robert Marchand a fait du vélo jusqu’à 106 ans et est pratiquement mort sur son vélo. Admettons que je sois encore assez costaud pour me faire plaisir quelques années de plus mais il n’empêche que chaque année qui passe me fait prendre conscience d’une certaine régression.
Pour l’heure, je nourris encore quelques ambitions et non des moindres. Parmi elles (mais je reviendrai sur les autres un peu plus tard), j’aimerais effectuer au moins une longue chaque mois de l’année et quand je dis longue, je pense à 200 kms ou plus. C’est donc dans cet esprit que je suis parti ce matin, histoire de marquer le coup et de me mettre en confiance pour les prochains gros trucs. Ces dernières années, j’ai effectué quelques sorties de ce gabarit mais la plupart étaient plutôt assez plates, voire très plates. Cette fois, j’ai voulu y ajouter dénivelé et portions de gravel pour estimer si je serai capable d’avaler sur 5 jours les 632 kms et les 9370 mètres de D+ que nous promet Thierry sur le tour de l’Occitanie. Bien sûr, je sais déjà que je ne passerai pas certains pourcentages autrement qu’en marchant à côté de mon vélo mais j’essaie de situer un peu mon plafond actuel (probablement autour des 12 ou 13%) et ce qu’il pourrait être si j’arrivais à m’alléger de quelques kilos.
Ce matin donc, réveil à 7h00, petit-déjeuner tranquille et dernières préparations. J’aurais aimé partir un peu plus tôt mais les températures sont moins fraîches à partir de 9h00 et la lumière du jour permet de rouler en sécurité, même si les routes campagnardes empruntées ne sont pas trop fréquentées. Direction Gauré où j’ai peiné lors de ma dernière sortie de 2023 : cette fois, ça passe comme une lettre à la poste en dépit d’un vent de sud-est, défavorable et assez fort. Comme quoi les jours se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Je passe également assez facilement la côte de Lanta où je coince habituellement toujours dans les derniers hectomètres. J’atteins ensuite Maureville où je décide de faire un court arrêt car j’ai souffert d’irritations au niveau de la selle tout au long de ces 35 premiers kilomètres. D’habitude, je badigeonne la peau de chamois de mon cuissard de crème NOK mais je l’ai récemment remplacée par de l’huile de massage qui dure bien plus longtemps pour à peu près le même niveau de protection. Une petite couche d’homéo plasmine, ça change la vie et heureusement, j’en ai toujours un petit tube dans mes sacoches, au cas où.
Ce problème étant réglé, je peux me concentrer sur la route et aborder prudemment l’ascension suivante jusqu’à Caraman. Elle est régulière, pas très difficile et je l’aime bien mais je m’arrête tout de même quelques secondes au Lac de l’Orme Blanc, une petite pépite nichée sous la ville. En traversant l’agglomération, je me surprends à suivre une dame sur son vélo électrique qui file à près de 20 kms/h et je me ravise en me disant que ce n’est certainement pas très intelligent de gaspiller inutilement des forces alors que bien des difficultés m’attendent encore. Je la rattrape sans effort dans la descente, vers Vendine et je laisse sur place les 3 jeunes qui ont essayé de prendre ma roue.
Pour rejoindre Francarville, je me suis aventuré sur la deuxième portion de gravel de la journée mais je comprends vite qu’il me faudra renoncer à ce genre de plaisanterie car malgré une trace relativement propre, l’accroche est vraiment très limite et je tape dans le vide à plusieurs reprises. Gardons cela pour les beaux jours et restons sur la route dorénavant ! On fera une dernière petite exception plus tard, en empruntant le chemin blanc d’Aurival que je sais relativement propre.
Je crois en terminer avec les montagnes russes et les pentes à 9% en franchissant le Girou et la très controversée autoroute en cours de construction mais j’en avais presque oublié la terrible montée vers Montcabrier à plus de 13% par ce versant. Finalement, ça passe sans encombre et il mes reste même un ou deux pignons de réserve. En arrivant à Bannières, je décide de faire ma pause déjeuner et je dévore mon sandwich avec appétit. Avant de partir, je réalise aussi que cet arrêt m’a bien refroidi et je décide donc de l’abri bus qui me protège du vent pour changer mes couches trempées de sueur par d’autres, bien sèches. Elles ne le sont pas restées bien longtemps mais au moins, elles m’auront permis de faire la descente vers le Lac de Belcastel puis vers Teulat au chaud.
Une belle portion de route campagnarde plutôt plate me conduit jusqu’à St-Marcel-Paulel puis Gragnague en empruntant le fameux chemin d’Aurival que j’affectionne tout particulièrement. Je file bon train jusqu’à Garidech, poussé maintenant dans le dos par ce vent qui m’avait tellement ralenti dans l’autre sens. Un peu plus loin, je quitte la route de Castelnau pour m’élever une nouvelle fois vers Bazus par un versant que je ne connaissais pas : la traversée par Prexenpere et de Garrigues Basse. Là aussi, ça pique bien mais ça passe sans encombre. Maintenant, je sais que j’ai fait le plus dur. Il ne me reste plus qu’à passer Villariès et surtout Vacquiers et après, ce sera presque plat sur les quelques 80 kilomètres restants. Je redoute plutôt le vent contraire que je vais forcément retrouver une fois que je vais rejoindre le canal à partir de Bressols. En attendant, je savoure les dernières lueurs du jour le long de la voie verte de l’arrière pays Toulousain que j’ai rallié à La Magdelaine-sur-Tarn. C’est vraiment très agréable de rouler sur cette ancienne voie de chemin de fer : on traverse des bois, la piste cyclable est couverte de feuilles mortes et le crissement des pneus sur cette surface végétale me donne les mêmes frissons qu’il y a quelques années en arrière, lorsque je courais encore des trails en automne.
Lorsque j’atteins Bressols, la nuit tombe subitement et comme je quitte la cyclable pour m’engager sur des routes ouvertes à la circulation, j’allume mes feux. J’ai déjà renoncé depuis longtemps à traverser la Forêt domaniale d’Agre où j’avais prévu de m’engager sur une longue section de gravel. Il fait maintenant nuit noire et les chemins sont très mouillés : inutile de prendre de risques supplémentaires, d’autant plus qu’il se met maintenant à pleuvoir. On ne peut vraiment pas se fier aux prévisions météo, mêmes locales. Lorsque j’arrive à Montbartier, je suis trempé mais le Canal de Garonne n’est plus très loin. Tant pis pour l’objectif des 200 : le fait de couper en ligne droite me fera manquer une quinzaine de kilomètres par rapport à la trace prévue. A vrai dire, je ne sais pas exactement à quel endroit je suis sorti et, dans la nuit noire sans lune, je dois attendre d’arriver à Dieupentale pour me repérer approximativement. La fatigue commence à se faire sentir, une petite douleur au niveau du genou droit ne m’a pas quitté depuis Bannières mais ce sont surtout les épaules et encore plus les poignets qui me font souffrir. Il faut absolument que je m’équipe de prolongateurs pour soulager ces derniers et adopter une position plus relâchée. Je mesure à quel point c’est indispensable pour couvrir de longues distances.
A Grisolles, je m’arrête une dernière fois pour rassurer Marie : je sais qu’elle est forcément inquiète et j’ai également besoin de me restaurer un peu. Je rêve d’un bon hamburger ou d’une pizza au fromage mais je dois me contenter d’une clémentine, d’un gel et d’une barre de céréales pour éviter la fringale.
Pompignan, Castelnau d’Estrétefonds, St-Jory, Lespinasse et finalement les abords de Fenouillet : les kilomètres défilent et je sors enfin du canal pour retrouver un peu de lumière …et de circulation. Je ne passe jamais par là, d’habitude je quitte le canal bien plus haut mais j’ai décidé de sortir à la hauteur d’Aucamville, le fief de mon ami Julien. Je suis surpris de voir que je traverse la ville sans quitter les pistes cyclables où je me sens parfaitement en sécurité. Un peu plus loin, je rejoins l’Hers Mort et je me rappelle qu’il m’avait déjà fait passer par là. Je suis obligé d’utiliser les 1100 lumens de mon phare avant pour voir où je pose mes roues sur ce chemin tortueux mais mes voyants sont encore au vert donc je ne crains pas de devoir sortir la lampe frontale de secours pour finir mon parcours. D’autant plus que je traverse maintenant Launaget pour rejoindre l’Union et Saint-Jean. Un dernier effort dans la côte de Cornaudric que je découvre et où je suis obligé de puiser dans mes dernières forces en montant sur le plus grand pignon, le 46 dents : il était vraiment temps que j’arrive !
Comme toujours, Marie guettait mon arrivée tout en suivant ma progression sur son téléphone. C’est bien agréable de pouvoir prendre une douche chaude à son arrivée, de se réhydrater avec un bon thé et de déguster une délicieuse soupe de légumes préparée avec amour !
4 commentaires
Philippe Vignolles
Si je peux me permettre Jacques, je résume, « Donner libre court à sa passion du Cyclisme », et de formidables aventures s’offriront à toi quelque soit le niveau physique! Par contre je me ferai fi du mot régression, que je remplacerai volontiers par « Acceptation ». Merci pour le partage de cette Bambée!
Jack
Merci Philippe pour ce touchant message.J’avoue que j’ai un peu forcé le trait en parlant de régression, j’aurais plutôt dû dire absence de progression (mais là, je vais me faire reprendre par Julien).
Quoi qu’il en soit, je prends encore beaucoup de plaisir à souffrir sur mon vélo et c’est sûrement pour cela que j’appréhende tant le moment de devoir raccrocher, comme j’ai dû le faire pour la course à pieds.
Va pour l’acceptation, alors. Quand je vous ce que Maurice, notre doyen et mon aîné, est capable d’envoyer, j’ai des raisons d’espérer que ce ne sera pas pour demain et qu’il y aura encore d’autres bambées, dont certaines très probablement dans ta roue.
Phil
Bien écrit. Je suis épaté par tous ceux qui mémorisent quelques noms de cols, communes, lieux-dits et autres, c’est un don.
Super début d’année, entraînement difficile. Il faut en profiter pour rouler en s’observant et en écoutant son corps, toute cette grande et remarquable machinerie en mouvement aux capacités incroyables années après années. Et sorties après sorties s’ajuster et améliorer, comprendre le fonctionnement, l’endurance, l’anticiper, se baser sur les dizaines de milliers de km effectués, éviter les blessures en optimisant et en corrigeant selon son moule et ses capacités. Le tout avec le plaisir du cyclotourisme. C’est un jeu, c’est la vie, personne ne nous y force. Le plaisir de l’aventure bien menée, le sport, le mouvement dans la nature, un peu de paix, de la plénitude, un effort positif. Etc …
Pas trop de pression Jacques, le cap est facile, fort simple, toujours orienter l’aiguille vers le positif !
Jack
Tu es une source d’inspiration, Phil. Comme tu peux le lire, je pense souvent à toi en roulant, à tes précieux conseils et à ton expérience d’ultra cycliste. J’ai déjà corrigé pas mal de petits défauts rien qu’en appliquant tes recommandations, donc merci pour ça. J’espère que cette année 2024 nous permettra de nous rencontrer en Alsace et de grimper quelques montagnes à vaches. Le rocher de Dabo, le Haut-Barr et les autres… Je m’y prépare activement.