On ne ne méfie jamais assez de ses amis ! Pourtant, connaissant le bougre, il y aurait vraiment de quoi…
Quand j’ai récupéré cette magnifique trace de Thierry, je sais qu’elle comporte presque obligatoirement au moins un truc bien costaud et lorsque j’en ai analysé l’itinéraire et le profil, j’ai immédiatement compris que j’allais en baver, mais je ne soupçonnais pas encore à quel point.
J’ai donc été particulièrement bien inspiré en choisissant de ressortir mon VAE. De toutes façons, je n’avais pas bien le choix : le VTT musculaire était encore dans son jus après la sortie d’hier et mon vélo de gravel ne recevra ses nouvelles roues (et surtout ses nouveaux pneus) que demain au mieux. D’ailleurs, ça tombait plutôt bien car je n’avais plus utilisé le BMC depuis le mois de mars, ce jour où, avec Marie, nous avons pris un très violent vent de face sur le chemin du retour et où j’avais connu un petit problème de batterie.
La trace du jour démarre de la même manière que celle d’hier, par la traversée du parc de loisirs de Malpas pour rejoindre Beaupuy par le golf St-Gabriel et Rivière Longue mais cette fois, on tourne à gauche pour grimper à Bernadenque par le Chemin de Cayzaguel : une petite mise en bouche, histoire de se chauffer les muscles avant le premier raidillon, Les Nauzes. La pente est raide avec un passage à 12% et de plus, le chemin est complètement creusé par les eaux de pluie et le passage de engins agricoles. La descente par le chemin de Pesquié était autrefois l’un de mes passages préférés où j’ai longtemps été en bagarre pour le titre de Local Legend sur Strava, mais vu l’état du chemin, pas question de le dévaler à tombeau ouvert comme j’aime le faire. Le petit pont est en cours de réfection et les travaux qui en empêche le passage m’obligent à faire mon premier demi-tour de la journée pour passer de l’autre coté du petit lac. Ce ne sera pas le dernier de la journée, loin s’en faut.
Je longe ensuite la voie ferrée à l’est de Rouffiac-Tolosan avant de grimper ce nouveau coup de cul jusqu’au cimetière. On y est déjà passé avec les élèves de Thierry. La descente par la route du Cammas pour rejoindre la D20 est rapide. De bons souvenirs remontent à la surface en empruntant la D70 entre Garidech et Montastruc-la-Conseillère : je l’avais emprunté à plusieurs pour reconnaitre puis participer à l’une de mes premières Special Ride au sein d’Ô Gravel. L’itinéraire du jour passera d’ailleurs à plusieurs endroits également traversés lors de cette mémorable aventure. Bien qu’assez longue, la montée jusqu’à Frescatis n’était pas très difficile et jusque là, les chemins sont plutôt secs. Je prends mon temps pour admirer le paysage et, fait assez rare à ce moment de la journée, je peux observer tour à tour un lièvre détalant à travers champs et un chevreuil traversant à quelques mètres de moi.
La trace fait le tour de Roquesérière par le nord-ouest. Aujourd’hui, je n’irai donc pas saluer les trois petits marsupiaux dans leur enclos, la petite curiosité locale. Je traverse les bois par le Chemin d’Embeaute pour rejoindre le lieu-dit Coupiac et La Plain-Haute. C’est la première fois que j’emprunte dans ce sens le chemin de plus en plus étroit qui longe l’A68 sur près de 2 kilomètres. Le final est assez rude et il n’est pas facile de garder son équilibre dans cette caillasse. Comme deux ans plus tôt, le petit passage dans les bois est bien trop étroit et de plus, il est plein de ronces : je n’essaie même pas d’y pénétrer car je sais qu’il ressort sur le chemin de Rossignol, quelques centaines de mètres plus loin, avant de passer à proximité de Sallebasse.
Depuis le départ, 35 kms plus tôt, il n’y a pas eu un mètre de plat et il en sera ainsi jusqu’au bout. Pour atteindre Gémil, on alterne petites routes départementales ou campagnardes, toutes assez peu fréquentées, ou des chemins blancs, des sentiers herbeux. La D88 est un peu plus passante mais à mon grand soulagement, je la quitte rapidement pour me diriger vers la Forêt de Buzet par le Hameau des Palens. Je connais bien l’entrée de la forêt par l’ouest, un peu plus bas que Paulhac. J’ai une pensée pour Marie qui s’est fracturé la clavicule en tombant sur ce même chemin en août 2022 et qui a vécu un calvaire de 14 mois par la suite.
A ma grande surprise, la Forêt de Buzet est relativement sèche, elle aussi. Il faut dire qu’on en ressort cette fois-ci par l’allée centrale jusqu’au parking Nord. Je commence à apercevoir Montjoire qui fait figure d’épouvantail car on y monte par le Chemin de Mirepoix que je n’ai jamais emprunté jusqu’à ce jour, il très raide, caillouteux à souhait et il comporte un long passage qui grimpe jusqu’à 17% au plus fort de la pente. En vélo musculaire, c’est déjà au-delà de mes capacités physiques, même sur l’asphalte, en VAE ça passe beaucoup mieux, mais c’est tout de même très dur.
Je pensais avoir fait le plus difficile en arrivant au sommet de Montjoire et je me suis autorisé une petite pause au soleil pour me ravitailler, anticiper le changement de batterie et souffler un peu. J’ai aussi appelé Marie pour la première fois depuis mon départ car je la devine toujours inquiète quand je roule seul. La longue descente en direction du Hameau des Condoms est bien agréable et continue à me projeter dans une dynamique très positive, me rassurant à l’idée que la suite ne serait rien d’autre qu’une succession de faux-plats montants et descendants. Ca, c’est l’impression que ça donne en regardant le profil sur papier ou sur l’écran de l’ordinateur : 6% max, à 35 km du but, je devrais être à la maison dans au pire deux heures…
La réalité est bien différente car je comprends très vite que les sous-bois sont extrêmement gras. Les Toulzas d’abord, puis la Forêt Royale dont l’entrée est paticulèrement délicate. Et quand j’en sors enfin après moultes glissades plus ou moins contrôlées, c’est pour mieux y rentrer à nouveau, jusqu’au centre équestre de Blanchardy. Je suis dégoulinant de sueur, il y a deux ou trois centimètres de boue entre la semelle de mes chaussures et les pédales, je ne parle même pas de l’état du pilote. En atteignant Gargas, je me réjouis un peu trop vite car le pire reste à venir. Mais quelle idée de vouloir traverser la Forêt de Montberon un mois de mai où il n’a pratiquement jamais cessé de pleuvoir ! Les troncs d’arbres couchés en travers du chemin, les flaques d’eau profondes et gluantes, les ronces et parfois des pentes sur lesquelles on ne trouve pas la moindre adhérence avec des roues chargées de boue au point qu’elles ont du mal à tourner. J’imagine ce que ça pourrait être en vélo de gravel avec des pneus moins larges et moins de crampons. Marcher en poussant un vélo à assitance électrique n’est pas un exercice plus facile. Deux ou trois raidillons sont tellement pentus et glissants que je suis obligé de m’accrocher aux branches en tirant le vélo par le cintre, comme si j’essayais de gravir cette pente sur du verglas. Je finis par m’étaler de tout mon long et j’en rigole pour ne pas en pleurer, sachant que je me rapproche doucement de la sortie de ce piège. Je n’y retournerai pas de si tôt, à moins que… ne jamais dire ‘Fontaine, je ne boirais plus de ton eau‘.
Au bout du tunnel, la lumière est enfin retrouvée à Saint-Loup-Cammas, même s’il faut encore emprunter quelques chemins cabossés ou herbeux pour atteindre Launaguet mais c’est toujours mieux que le bourbier. Après plus de 90 kms, je n’ai plus du tout envie de poursuivre la trace de Thierry et je décide de filer au plus court vers St-Jean.
C’était de loin ma pire journée de vélo depuis bien longtemps : l’enfer au paradis, si on imagine quel bonheur cela aurait été de suivre cette trace par temps sec.