J’ai réédité l’exploit de tomber 3 fois dans la même journée, tout comme en mars 2023, lorsque j’ai effectué mes premiers tours de roues en Forêt de Bouconne pour tester mes nouvelles pédales mixtes. Donc, ça c’est fait et autant dire que je me suis encore fait chambré par mes féroces petits camarades d’Ô Gravel, président en tête. J’avoue qu’il y a vraiment de quoi, cette fois-ci.
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La journée avait pourtant bien commencé.
Réveil à 5h30 après une courte nuit de mauvais sommeil. Après un petit déjeuner léger, j’ai fini de préparer mes affaires, puis je me suis équipé contre le froid avant de descendre au garage et d’enfourcher mon vélo afin de rejoindre mes amis d’Ô Gravel à Bessières, une bonne vingtaine de kilomètres plus loin. La distance serait anecdotique s’il ne faisait pas aussi froid : selon Thierry qui semble être parti une quarantaine de minutes plus tard de Garidech alors qu’il commençait déjà à faire jour, le thermomètre affichait -7° alors que j’ai couvert les premiers kilomètres de nuit.
La veille, lors de ma nocturne au retour du Tarn, j’avais mis des gants en soie sous mes gants d’hiver et mes couvre-chaussures en néoprène. Malgré cela, j’ai ressenti le froid sur les extrémités, sans doute parce que les doigts n’avaient plus assez d’espace pour bouger. Je n’ai donc pas remis les gants de soie ce matin mais il m’a fallu grimper les premières côtes vers Lapeyrouse-Fossat et Bazus pour retrouver quelques sensations dans les mains et dans les pieds.
Au programme de la journée, une Special Ride le matin puis une Family Ride l’après-midi avant de revenir à Saint-Jean, toujours à vélo, soit une petite balade de 140 kilomètres et un peu moins de 1000 m de D+ au total. Je suis arrivé au lieu de rendez-vous vers 9h10, peu après Alain qui avait fait le trajet en VTT depuis Blagnac (gros respect, l’ami). Le temps que les dix autres participants de la Special Ride nous rejoignent, vingt bonnes minutes se sont écoulées et le temps m’a paru infiniment long car j’étais trempé de sueur sous mes 4 couches de vêtements. Il me tardait vraiment de me remettre en action.
Special Ride
Cette année, Ô Gravel compte beaucoup de nouveaux membres. Déjà que je ne connaissais pas encore tout le monde car certains adhérents ne participent pas souvent, voire jamais, à nos sorties, il est de plus en plus difficile de savoir qui se cache sous le casque et derrière les lunettes de vélo, tant bien même que ces sorties se déroulent de jour. C’est aussi pourquoi, lors de la dernière assemblée générale du 11 janvier, j’ai proposé à Thierry d’ajouter un trombinoscope au site de l’association.
Je m’attendais à trouver un sol gelé et j’avais finalement renoncé à prendre mon VTT. Si les premiers du peloton ont effectivement pu profiter de l’accroche offerte pas le givre, ceux qui fermaient la marche comme Alain, Jérôme et moi glissaient déjà dans les traces de ceux qui les précédaient. Par ailleurs, le terrain était bien cabossé à travers champs. J’ai donc très vite compris mon erreur de stratégie, d’autant plus qu’à force de faire beaucoup de route ces derniers temps, mes pneus Hutchinson Touareg étaient déjà passablement entamés. Le Chemin des Ségueulasses se serait appelé le Chemin des Dégueulasses que ça n’aurait probablement choqué personne. Fort heureusement, passés les premiers kilomètres, j’ai provisoirement retrouvé un peu plus d’adhérence et donc d’assurance sur les chemins des Cordes, des Prieurs, de Carrelis et de Briac, autant de découvertes car je n’étais encore jamais passé par là alors que je vadrouille relativement fréquemment dans ce coin. Un peu plus loin, nous rejoignons ce charmant petit Lac de la Magdelaine-sur-Tarn et pour certains, nous y repasserons un peu plus tard dans l’après-midi, lors de la Family Ride.
Il faut vraiment s’appeler Thierry et pédaler depuis des décennies pour dénicher des endroits pareils ! Des chemins, il y en aura encore beaucoup avant de commencer à grimper au sommet de Montjoire par la route. C’est presque un soulagement de retrouver 500 m de pente à près de 10% que je passe assez facilement en tentant de m’accrocher à la roue arrière de Jérôme, bien meilleur grimpeur que moi.
Le site de Montjoire mérite bien que, même très pressé, l’on s’y arrête quelques minutes pour profiter du spectaculaire panorama qu’il nous offre. La présence d’une table d’orientation y est donc de circonstance. Alors que je m’attardais à prendre quelques photos comme à mon habitude, Thierry décide de faire la traditionnelle photo de groupe un peu plus loin. Je perds mes camarades de vue quelques instants et tandis que je cherche sur mon GPS dans quelle direction ils sont partis, je ne me rends pas compte de la présence d’une chaîne délimitant le périmètre de la place. Je ne comprends ce qui s’est passé que lorsque je me retrouve au sol, les quatre fers en l’air. Je me relève hilare, amusé par la situation et par le fait que personne ne s’est aperçu de rien, à deux détails près : j’ai raté la photo de groupe qu’il a donc fallu refaire et il a aussi fallu que je redresse mon cintre sous les quolibets de mes petits amis. Voilà pour la première gamelle des trois car je ne fais jamais dans la dentelle.
La gamelle suivante n’allait d’ailleurs pas tarder à suivre dans une descente abrupte, la seule que je connaisse dans la Forêt de Buzet. D’habitude, je me régale en laissant filer car je contrôle la direction mais cette fois, je sens que l’adhérence n’est pas du tout au rendez-vous et je finis de m’en convaincre lorsque ma roue arrière tente de dépasser ma roue avant en pleine pente. Il n’en fallait pas plus pour que Julien immortalise la scène en filmant ma descente depuis le bas, comme il l’a d’ailleurs fait pour tout le monde arrivé derrière lui.
Même pas mal ! Je me relève sans bobo, plus inquiet pour mon vélo qui heureusement, n’a pas non plus souffert. Thierry ne manque évidemment pas de souligner que je suis à nouveau en lice pour gagner le trophée 2024 (saluant à l’origine la plus belle chute de l’année 2021 de Delphine, puis l’ensemble de mon œuvre en 2022). La situation m’amuse et c’est vrai qu’à ce moment, je me surprends à penser (peut-être même à le dire, comme pour conjurer le mauvais sort : jamais deux sans trois ! C’est dans mes cordes, je peux le faire et surtout, c’était sans doute prémonitoire… A ma décharge, je chevauche l’ancien vélo de Thierry et je subodore qu’il doit être ensorcelé.
Le groupe se disperse à la sortie de Buzet, certains choisissant de s’arrêter là, d’autres décidant de rallier le point de départ au plus court afin d’avoir le temps de trouver de quoi manger avant le départ de la Family Ride. Pour ma part, je décide de poursuivre la trace originale jusqu’au bout car je suis venu pour effectuer un certain kilométrage et peu m’importent les petites difficultés finales avec l’interminable Chemin de Labach, une véritable pataugeoire à la sortie de Luquets puis la sympathique petite côte entre Conques et Bessières, après avoir traversé le fleuve à Buzet-sur-Tarn.
Family Ride
Comme convenu, Marie nous a rejoint en voiture au point de départ de la Family Ride, le même que celui du matin. Quelques autres membres nous ont également rejoint. J’ai eu le temps de tranquillement dévorer le sandwich que m’avait préparé ma petite chérie (avec amour, elle m’oblige à juste titre à le préciser) et de finir de me réchauffer en finissant le contenu de mon thermos de thé, toujours aussi brûlant. Nathan qui ne participait à la sortie de l’après-midi a oublié son casque sur un banc, ce qui nous arrangeait bien car Marie n’avait pas pensé à prendre le sien.
Cette seconde sortie de la journée était infiniment plus tranquille que la précédente puisqu’elle empruntait essentiellement des surfaces goudronnés et quelques chemins blancs en passant par Janil, La Magdeleine-sur-Tarn et son petit lac déjà mentionné un peu plus haut avant de rejoindre Villemur-sur-Tarn. J’ai beau y être passé de nombreuses fois, cet endroit m’émerveille toujours autant depuis que Julien me l’a fait découvrir lors d’une mémorable sortie nocturne. J’y suis d’ailleurs retourné avec Marie il n’y a pas très longtemps. Le retour a emprunté la partie finale de la fameuse Voie Verte de l’Arrière-Pays Toulousain dont j’ai tant parlé récemment, sans pour autant savoir qu’il s’agissait de l’ancienne voie de chemin de fer qui reliait jadis Boussens à Saint-Girons.
Pour le petit Maxime, quatre ans et demi et sa grande sœur Margaux, peut-être même pour leur maman, il était temps que l’on arrive. Les derniers kilomètres ont été longs pour eux et je suis souvent resté en queue de peloton avec Frédéric pour ramener tout ce petit monde à l’arrivée. De son côté, Marie n’a pas manqué une occasion d’encourager et d’encadrer les petits. Près de 30 kms de vélo, à cet âge, c’est plutôt remarquable et mérite bien un grand bravo à ces graines de champions.
Retour
Pour ma part, j’aide maintenant Marie à installer sa machine sur le porte-vélo et je me prépare doucement à affronter la dernière partie de l’aventure alors que la lumière commence à baisser. Un petit bisou et quelques recommandations de prudence plus tard, je suis déjà en route en direction du Parc Kelonis et de la Forêt de Buzet quand le soleil disparaît doucement derrière la ligne d’horizon, jusqu’à céder sa place à la nuit noire. J’aurais pû choisir de tirer tout droit et de rejoindre directement le parking sud mais au lieu de cela, j’ai choisi de prolonger le plaisir en contournant la forêt par Borde Neuve pour chercher l’entrée du parking nord afin de la traverser de part en part par l’allée centrale, toujours dans l’esprit d’effectuer le kilométrage initialement prévu. Je fais un bref arrêt pour remplir mon bidon au point d’eau dont j’ai récemment découvert l’existence et je change aussi de lunettes car la buée m’empêche de bien y voir dans le noir.
L’absence de vent me permet de grimper à bonne allure jusqu’à Paulhac, puis Montastruc-la-Conseillère. Je connais ces routes par cœur et je n’éprouve aucune difficulté à poursuivre ma route en direction de Garidech, malgré la distance déjà parcourue et le froid qui commence vraiment à s’installer.
Pourquoi, traversant le pont surplombant l’autoroute du Pastel, ai-je voulu monter sur la piste cyclable pour rejoindre le Chemin de la Mouyssaguèse alors que j’étais absolument tout seul sur la route depuis des kilomètres ? Et pourquoi n’ai-je pas réalisé que le bord du trottoir était plus haut à cet endroit qu’à l’endroit où j’ai l’habitude de monter dessus ? Prendre un trottoir de biais n’est jamais une bonne idée et c’est pourtant ce que j’ai fait… ou plutôt tenté de faire, pour être plus juste. Et ça n’a pas manqué : et de trois, le compte est bon. Sauf que cette fois, j’étais à pleine vitesse et que le contact au sol a été bien plus violent que lors des deux précédentes chutes. Sur le moment, la seule chose que j’ai vraiment perçue, c’est l’impact à l’arrière du casque : je réalise en me relevant qu’il m’a probablement sauvé la donne. Bien qu’étant lourdement tombé sur le flanc droit, je n’ai pas eu mal et je me suis encore une fois inquiété pour mon vélo avant de faire un check-up de ma personne. Rien de sérieux, juste une petite égratignure superficielle au genou et je serai quitte pour quelques contusions le lendemain. Mais une fois remonté sur le vélo, j’ai tout de suite ressenti une gêne de plus en plus forte en inspirant. Il me restait encore une bonne quinzaine de kilomètres et quelques bosses à passer avant d’arriver à la maison.
La fin du parcours est ubuesque. Encore sous le coup de l’émotion suscitée par cette dernière gamelle et pas vraiment aidé par l’obscurité totale, je me trompe de chemin et me retrouve au pied du Bois de la Reulle, à l’entrée de Gragnague. Quelle idée de vouloir faire du gravel alors qu’il a plu pratiquement sans discontinuer ces deux dernières semaines ! Je me suis évidemment retrouvé totalement englué dans une mare d’argile, tant et si bien que mes roues ne parvenaient plus à tourner, tellement elles étaient chargées de boue. J’ai tout de même eu la présence d’esprit de revenir sur le goudron en portant mon vélo à bout de bras, manquant un nombre incalculable de fois de me vautrer à terre.
Enlever le plus gros de cette glue, remettre la chaîne sur le plateau, tenter d’engager une vitesse pour passer sur le pignon suivant et me remettre en route. Je suis maintenant en mode guerrier (ou robot, au choix) et je n’ai plus qu’un objectif : en finir avec ce long chemin de croix, me débarrasser de mes vêtements couverts de boue et prendre une douche bien chaude ou un bain. Mais pour cela, il me faut encore passer ce dernier petit mur entre l’école de Gragnague et Poumissou par la route de la Faure. Je n’ai pas pris le moindre risque dans la descente vers Beaupuy, basculant mon phare avant sur le mode 1100 lumens pour bien éclairer la route et gardant deux doigts sur les manettes des freins. Il était temps que ça se termine, pour moi aussi.
J’écris ce reportage deux jours plus tard et je réalise avoir eu un peu de chance dans la malchance (ou la maladresse). Le genou droit a doublé de volume, j’ai quelques hématomes sur la hanche et la cuisse et toujours une gêne au niveau du plexus mais ça aurait pu être pire. Pour l’instant, je suis bien obligé de revoir mon programme à la baisse et j’ai bien sûr dû annuler la randonnée de mercredi avec Alain tout comme la sortie de 220 kilomètres avec Gilles, prévue pour samedi. Probablement je devrai également renoncer au vélo et à la salle de sport pour une ou deux semaines, le temps que tout se passe et puis il faudra recommencer de plus belle sans se cramer pour être prêt les jours J.